Farina

Histoire locale par Rémi BLONDEAU

Rue FARINA

Une maison en odeur de sainteté !!!

La Rue Farina est l’une des rares rues de Tillières à porter le nom d’une personne.

Aussi, afin de justifier le titre de ce mémoire, je vous propose d’en savoir plus, d’abord sur la personne à qui il a été ainsi rendu hommage, et ensuite sur la maison qu’il occupait

 

Qui était Monsieur FARINA ?

Jean Antoine (dit Antonio) FARINA est né à Paris le 26 Juillet 1830 et décédé à Tillières le 26 Février 1904, où il est enterré dans le cimetière communal.

Il exerçait « l’activité » de rentier, c’est à dire, selon le dictionnaire, qu’il vivait du revenu de ses biens ou d’un capital.

Demeurant précédemment à Paris, le premier recensement où il apparaît à Tillières, Rue du Larris, avec sa future épouse est celui de 1872,

Il vivait donc en concubinage jusqu’au 9 Décembre 1882, jour de son mariage à Tillières avec Madame Jeanne Marie (Jenny pour les intimes) CAZES, veuve MOURET ; laquelle est décédée à Tillières le 12 Octobre 1883.

Entretemps il a fait, suivant acte reçu par Me RENAULT, notaire à Tillières, du 23 Décembre 1875, l’acquisition de la famille LECHANGEUR de la maison située à Tillières Rue du Larris, dont il était déjà locataire.

Il s’est investi dans la vie communale comme conseiller municipal à compter

du 17 Décembre 1874, puis comme adjoint à compter du 8 Juin 1900.

Généalogie :

Jean Antoine FARINA était le fils des époux Jean-Louis Daniel FARINA et

Adélaide Marie MARGARITIS, rentiers comme leur fils, demeurant à PARIS,

mais surtout il était le petit-fils de Jean-Marie Joseph FARINA (1785 – 1864).

Jean Marie Joseph FARINA était un parfumeur-distillateur français d’origine

italienne, arrière petit-neveu de Jean Marie FARINA, créateur de l’eau de Cologne.

commencez-vous de percevoir l’odeur ?

Jean Marie FARINA (grand-père de notre concitoyen) ouvre en 1806 à Paris 331 Rue Saint Honoré une boutique de parfumeur sous l’enseigne de « Jean Marie Farina ». Deux ans plus tard il crée pour Napoléon 1er, grand amateur d’eau de Cologne le « rouleau de l’empereur », un flacon exclusif en forme de rouleau et qui peut être glissé dans une botte. Il devient aussi le fournisseur officiel de l’impératrice Joséphine.

Il cèdera la parfumerie à la famille COLLAS, et l’affaire sera reprise en 1862 par Armand ROGER et Charles Martial GALLET, sous le nom de « ROGER & GALLET ».

 

Testament de Monsieur FARINA

Jean Antoine FARINA est décédé à Tillières, en son domicile, le 26 Février 1904, veuf et sans postérité ; il est enterré au cimetière communal avec son épouse prédécédée.

Selon son testament olographe Mr FARINA a désigné la commune de TILLIERES comme légataire universelle de sa succession. Cette désignation qui portait notamment sur sa maison rue du Larris comportait diverses charges et notamment de fonder une crèche pour les enfants de la commune ou en cas d’empêchement à créer une maison de refuge (petit hospice) pour les vieilles femmes indigentes de la commune.

Par arrêté en date du 20 Juin 1904, le Préfet de l’Eure, considérant :

  • qu’il n’apparait pas que la fondation de la crèche ou de l’hospice puisse être poursuivie, vu l’insuffisance du capital qui pourrait y être appliqué ;
  • que cette oeuvre semble devoir être ajournée …

a autorisé la commune à accepter le legs qui lui avait été fait.

La consistance de la succession a été évaluée à 104.186 Frs soit 422.687 €

d’aujourd’hui.

De la Rue du Larry à la Rue Farina, en passant par la Rue des Vignes

Si on vous propose d’aller de CONSTANTINOPLE à ISTANBUL vous ne ferez pas un grand voyage.

Il en est de même à Tillières ; si on vous propose une promenade de la Rue du Larry à la Rue Farina, vous ferez du sur place. J’ajoute qu’en 1826 on évoquait aussi bien rue du Larry que Rue des Vignes.

En effet, en reconnaissance de l’héritage Farina, bienfaiteur de la commune, le conseil municipal a décidé, par délibération du 8 Aout 1929, de rebaptiser la Rue du Larri en Rue Farina.

L’orthographe de cette rue a varié au fil des années et au gré des rédacteurs : on trouve Rue du Larry sur le plan napoléonien, et sur les recensements Rue du Larris ou Rue des Larris, avec un ou deux « r » et aussi sans « s »..

Pourquoi ce nom ?

En vieux français un larris correspond à une friche, une lande, un coteau sec, en tous cas à une mauvaise terre ; ce qui devait être le cas du coteau où a été implanté le lotissement « Le Veneur ». Et cette rue menait du bourg à ce coteau.

Par d’autres sources le larris correspondait aux communaux (vaine pâture) c’est à dire aux terres laissées par le seigneur à la disposition gratuite de ses habitants ; on peut imaginer que ce n’était pas les meilleures !

Son appellation Rue des Vignes permet de supposer qu’à une époque le coteau était couvert de vignes, ce qui n’est pas surprenant car bénéficiant d’une exposition idéale pour cette culture. Supposition qui semble confirmée par le graphisme du plan de Tillières réalisé en 1744-1747 connu sous le nom d’Atlas Trudaine.

Les habitants : du médecin des corps aux médecins des âmes

(les périodes indiquées sont parfois approximatives car fondées sur la situation lors des recensements) :

1826 à 1866 : LECHANGEUR Jean-Baptiste, MÉDECIN
1872 à 1904 : FARINA
15/04/1907 à 1922 : GOUYER Albert, agriculteur à La Troudière de BREUX (loyer annuel 350Frs)
01/07/1922 à 1926 : MORICEAU Abel, PERCEPTEUR (loyer annuel 600Frs)
01/03/1928 au 01/09/1949 : cette maison est louée à Mr MERY Jean, propriétaire du château de la Guillerie, domicilié à Paris, Quai de Grenelle, qui par ce moyen loge le curé (loyer annuel 2.000 Frs) ; c’est à partir de cette date que cette maison est occupée comme presbytère.
Le mécénat de Mr MERY a cessé le 01/09/1949 et la maison a été louée à l’Association Diocésaine qui a pris le loyer à sa charge ; à cette occasion un autre mécène est intervenu en la personne de Mr DELAMAIRE résident « secondaire» à Lhosmes.
commencez-vous de percevoir la sainteté ?

Les prêtres qui y ont résidé sont :

  • 1928 à 1936 : MARIN Adrien,
  • 1936 à 1947 ? : GAULTIER Anatole,
  • 1947 à 1954 : BARRE ?
  • 1954 à 1964 : BESNIER Daniel
  • 1964 à 1978 : RICHARD Bernard,
  • 1978 à 1986 : ESNAULT Léon

Après le départ du curé ESNAULT, cette maison a été occupée par Nelly BEAUDOIN, institutrice, puis elle été vendue et occupée depuis décembre 1995 par Danielle et Rémi BLONDEAU.

 

Travaux

C’est le docteur LECHANGEUR qui, suite à deux acquisitions de maisons contigues effectuées en 1826 et 1848 a fait réaliser les travaux aboutissant à la structure et l’apparence actuelle. La construction peut donc être datée du XIXe siècle avec peut-être une partie fin XVIIIe.

Lors du décès de Mr FARINA la maison « tombe en ruines » ainsi qu’il est mentionné dans une lettre du préfet du 19 Juillet 1905, en réponse au projet du conseil municipal d’une rénovation complète.

Par la suite, des travaux ont été réalisés au cours de l’année 1906, savoir :

par Mr R. LAINE, entrepreneur en menuiserie de bâtiment,
BOUCHER, entrepreneur de bâtiments à Tillières plâtre, carrelage,
VASSAL, entrepreneur en couvertures à Tillières
FORGET-HUREL, peintre à Tillières,

pour un total de 2.905 Frs, équivalant 11.785 €.

Fin des travaux de restauration constatée par le conseil municipal le 17 Janvier 1907.

En 1922, en vue de la location au percepteur, des travaux ont été effectués, pour un coût de 13.215 Frs (équivalant 53.613€), consistant en :

création d’une cuisine attenante à la maison,
transformation de la cuisine située dans la cour en un bureau à usage de perception.

Les intervenants ont été :

  • TERIAS entrepreneur à Tillières pour terrassement et maçonnerie,
    couverture et zinc
  • Les Huchiers de Verneuil pour menuiserie, serrurerie et quincaillerie,
  • BERSOT entrepreneur à Tillières pour la peinture

le tout sous le contrôle de G.BEAUNIER architecte à Dreux.

La réception provisoire des travaux a eu lieu le 12 Avril 1922 et la définitive le 12 juillet suivant.

En 1923 il a été installé une pompe branchée sur le puits avec pour corollaire la démolition de la margelle du puits.

En 1926 ont été démolis le hangar et les poulaillers.

En 1986 la couverture a été refaite par l’Entreprise FLEURY à Tillières.

En 1992 lors de l’élargissement de la rue, des communs ont été démolis et le mur refait; l’emprise de l’élargissement a entrainé une perte de superficie de 50m2.

Petite histoire du Presbytère

Ainsi qu’il a été relaté plus haut la maison Farina a été érigée en presbytère en 1928, et pourquoi ?

Et bien, je vais vous le dire !!!

Au début du XXe siècle, le presbytère se situe à l’emplacement actuel de la mairie où il avait été édifié en 1860. Lors des recensements de 1901 et 1906 le curé desservant est LECUYER Emile.

La mairie se situant alors dans le bâtiment dit aujourd’hui « de l’arsenal » édifié en 1831.

Par délibération du 28 Novembre 1907 le conseil municipal décide de la transformation du presbytère en mairie.

Par suite le presbytère a été déplacé Rue du Château (maison non identifiée) où on trouve en 1911 DESPOCQ Edmond et en 1921 et 1926 MARIN Adrien.

Et à compter de 1928 jusqu’en 1986, soit plus d’un demi-siècle, le dernier presbytère de Tillières a été fixé dans la maison Farina.

P.S. : La maison Farina est située au n° 1 de la rue ; à ne pas confondre avec la salle Farina qui n’a pas la même origine.
Le présent mémoire contient quelques approximations voire potentiellement quelques erreurs ; aussi son auteur sollicite votre bienveillance et reste preneur de toutes informations et plans ou photographies permettant d’affiner ses recherches.